Les faits - Depuis le début du mois, plusieurs photos de militants valenciens de Nuevas Generaciones, l'organisation de jeunesse du Parti populaire au pouvoir, ont circulé sur les réseaux sociaux. Saluts nazis, poses devant des drapeaux franquistes... L'apologie du fascisme a beau être un délit en Espagne, les milieux les plus radicaux de la droite n’ont jamais fait l’inventaire de la dictature. Plus étonnant, ces jeunes qui n’ont jamais connu ces années noires s’approprient à leur tour les symboles du régime de Franco.
Ce sont sept jeunes femmes qui se prennent en photo, tout sourire devant un drapeau espagnol. Un cliché entre amies tout ce qu’il y a de plus banal qui fait penser à la célébration d’une victoire de la Roja, la sélection espagnole de football. A quelques détails près : l’aigle noir (dit aigle de Saint Jean), le joug et les flèches… le drapeau devant lequel ces jeunes filles posent est celui de la dictature franquiste, en vigueur de 1938 à 1981 et depuis banni des bâtiments officiels. Parmi les jeunes présentes sur la photo figure Paula Carda, habitante de Villareal près de Valence et militante de Nuevas Generaciones (NNGG), l’organisation de jeunesse du Parti populaire (PP), la formation de la droite espagnole au pouvoir depuis novembre. L’apologie du fascisme a beau être un délit en Espagne, ce cliché qui a fuité sur les réseaux sociaux n’est que le dernier de la liste. Depuis le début du mois, plusieurs membres de NNGG de la région de Valence sont empêtrés dans des affaires similaires. La direction de l’organisation de jeunesse et les responsables locaux du PP ont beau parler d’enfantillages qui ne portent pas à conséquence, le scandale commence à monter dans une Espagne qui n’a jamais vraiment soldé sa dette historique envers le franquisme. Et où la nostalgie de la dictature persiste dans les secteurs les plus radicaux du PP.
Début août, le président de NNGG de la ville de Xàtiva poste une photo sur son profil Facebook. On peut y voir Xesco Sáez dans un bar entouré de quatre amis, tous en train de faire le salut nazi, sourire aux lèvres. L’image fait rapidement le tour des réseaux sociaux et pour se défendre, les jeunes du PPexpliquent que le compte de Xesco Sáez a été piraté.
Le scandale éclate d’autant plus que quelques jours auparavant, une photo de l’adjoint au maire chargé des sports de cette même ville a circulé. Jorge Roca et ses amis posent en bons supporteurs de foot, fumigène à la main… mais aussi les bras levés et tenant des drapeaux espagnols agrémentés de symboles néo-nazis.
L’affaire aurait pu en rester là, mais face au tollé, journalistes et militants de gauche se mettent à fouiller les comptes des militants des jeunes populaires dont certains ne maîtrisent pas très bien les paramètres de confidentialité. Résultat : Daniel Terrades, secrétaire de NNGG à Gandia, fait lui aussi le salut fasciste.
Carmen Melissa Ferrer, conseillère municipale de Canals en charge de la jeunesse pose devant un drapeau franquiste.
Ce même drapeau qu’on retrouve accroché au mur d’un local des NNGG.
Après une série d’explications alambiquées, la direction de Nuevas Generaciones a finalement décidé d’ouvrir des procédures de sanctions disciplinaires contre ces militants. Tout en affirmant que la diffusion de ces photos relevait d’une campagne «indigne et honteuse» contre le mouvement. «On généralise l’attitude récusable de trois ou quatre personnes alors que notre organisation compte des milliers de jeunes qui apportent énormément à la société», a déclaré la présidente nationale Beatriz Jurado.
La communauté de Valence est un fief du PP qui dirige le gouvernement régional depuis 1995. Les maires ont longtemps rechigné à retirer des lieux publics les symboles franquistes comme les y oblige la loi de mémoire historique votée en 2007. En vertu de la loi d’amnistie de 1977, personne n’a jamais pu enquêter sur les crimes commis pendant la guerre civile et les 70 ans qu’a duré la dictature de Franco. Pire, celui-ci repose au Valle de los Caídos, un gigantesque monument à la gloire de sa «glorieuse croisade» situé à 50 kilomètres de Madrid. Un symbole de honte pour une bonne partie de la société espagnole dont la famille était républicaine. Pour les autres, c’est un lieu de recueillement, voire touristique, comme pour la secrétaire générale de Nuevas Generaciones à Séville qui a démissionné après avoir posé en photo devant le monument. Si la jeunesse du PP n’a pas connu le franquisme, la nostalgie continue de faire son effet chez certains d’entre eux, malgré le poids du passé.